J'engage alors un dialogue, la questionne et peu à peu elle se raconte, me confie ce qui lui passe par la tête. C'est une ouverture que je saisis, reprenant au vol l'un de ses propos où elle me parle des chats qu'elle avait avant de vivre à l’hôpital. Je lui demande de me les dessiner. C'est le déclic : tout en me racontant sa minette elle dessine, je l'aide un peu, et puis un mot en entrainant un autre elle lui dessine un panier.
Quelques semaines plus tard nous nous retrouvons pour une nouvelle séance d'art-thérapie. Madame R., heureuse de me voir, me demande à revoir le dessin du chat quelle avait fait lors de notre dernière séance. Je le lui en vante la qualité et lui propose une nouvelle histoire en partant du chat. Elle me confie qu'il mange des oiseaux dans son jardin. ça tombe bien j'ai justement le dessin d'une colombe qu'une autre résidente a réalisé. Je lui demande de le mettre en couleur, en imaginant la branche sur laquelle il s'est posé afin d'échapper aux griffes du chat.
Et de fil en aiguille elle passe un bon moment à utiliser, pour la première fois de sa vie certainement, des pastel gras.
Après que le chat ait mangé l'oiseau, la poule fait son apparition... j'en dessine une et Madame R. la peint frisée. En attendant que la poule ponde, elle lui dessine un vers de terre et en lui peignant les pattes elle se rappelle une anecdote savoureuse: quand elle était enfant sa "mémère" lui donnait à sucer les pattes du poulet et elle trouvait cela délicieux. Une confidence en amenant une autre elle repense aux petits lapereaux à qui on ne peut donner à manger de la luzerne car le système digestif des bébés lapins ne contient pas les bactéries qui participent à la digestion, Plus le lapin restera avec sa mère, mieux il digèrera. C'est pourquoi il est important de ne pas séparer les petits de leur mère avant l'âge de 8 à 10 semaines sous peine de faire la triste découvertes de leurs petits corps jonchant le clapier comme l'avait fait petite fille madame R.
